Le 23/07/2015
Depuis plusieurs mois, les ouvertures de commerces se multiplient rue Gambetta. Bonne nouvelle pour cette vieille artère d’un peu plus d’un kilomètre qui a, par endroits, parfois peiné à retrouver son souffle. Vraie tendance de fond ou simple hasard du calendrier? Rencontre avec de nouveaux entrepreneurs atypiques et quelques piliers de cet axe pas comme les autres.
Un bar où l’on peut jouer à la pétanque. Une laverie gourmande où laver son linge en buvant un café confortablement installé dans un canapé. Une épicerie où l’on achète au poids des produits sans emballage…
Depuis bientôt un an, les nouveaux concepts ne manquent pas rue Gambetta. Parmi les petits derniers : Pet Food. Pas un hasard si Julien Guyot y a installé son magasin spécialisé pour chiens, chats et rongeurs. « Ça a toujours été une rue qui bouge, la rue Gambetta. Les effets de la crise, on les sent ici avant tout le monde. Mais c’est par ici que les nouvelles tendances arrivent », flaire le commerçant.
Des vents favorables souffleraient-ils entre la place de la République et la place Casquette ? Entre les murs bigarrés de Mexicali, Claire Vignier sent comme un léger frisson. « Depuis trois à quatre mois, il se passe quelque chose, témoigne la présidente de l’union des commerçants de la rue Gambetta. On voit plus de monde dans la rue, même si ça ne signifie pas que notre chiffre d’affaires s’améliore. Mais c’est vrai que la rue prend un coup de jeune, qu’il y a des commerces qui ouvrent… C’est un quartier pour les choses nouvelles ici, parce qu’à Wazemmes, vous avez de tout. De tous les âges, de tous les niveaux sociaux, de toutes les origines. »
Le « grand melting-pot », un caractère « atypique » : voilà quelques-unes des qualités qui ont séduit Xavier Damie, fondateur de Wash & Co, une laverie gourmande où l’on peut, depuis décembre, faire rouler les tambours en mangeant des cookies. « Gambetta est idéalement située, entre deux stations de métro. Et c’est moins cher qu’ailleurs », avance ce jeune entrepreneur de 31 ans.
Moins contraignant aussi : « Allez poser une rampe d’accès pour personnes handicapées dans un magasin du Vieux-Lille… Ici, les choses sont plus simples. » Les contacts aussi le sont, plus simples. « C’est un vrai village, témoigne Alice Bigorgne. Je connais même le prénom de mes clients et de leurs enfants, qui poussent facilement la porte pour me faire un bisou, en passant ! »
Celle qui a ouvert, en février à côté des halles, Day by Day, épicerie où l’on vient avec ses bocaux pour acheter ses produits au poids, ne se voyait pas ailleurs dans Lille. Parce qu’un pôle alimentaire de qualité comme celui à proximité du marché couvert, « il n’y en a pas d’autre comme celui-là en ville ». Une des locomotives du quartier.
« Ce pôle a toujours été le plus costaud de la rue, par sa qualité et son ancienneté », tranche Jackie. Derrière la vitrine de son salon de coiffure, voilà bientôt vingt ans qu’elle observe les mouvements. Voit les indépendants disparaître progressivement, au profit de chaînes. Et si avait sonné l’heure de la revanche ?
On en compte encore trop, un peu moins d’une trentaine, mais « il y en a moins qu’avant et leur nombre se stabilise », estime Claire Vignier, la présidente de l’union des commerçants du quartier. Les dents creuses restent le véritable point noir de la rue Gambetta. Pourtant, même si, au sein même de l’artère, de grandes disparités demeurent dans le prix des baux commerciaux, « Gambetta reste pas mal pour faire du commerce », a constaté après étude Julien Guyot, gérant de Pet Food installé depuis l’automne. « Pour quelqu’un qui veut s’implanter à Lille, les opportunités autour de la Grand-Place, de la rue Esquermoise et de la rue de Béthune sont très limitées », confirme Emmanuel Chambat, directeur associé de Citya Descampiaux.
« Chaland exceptionnel »
Avec son ventre mou, des faiblesses, la rue en a, concède le professionnel de l’immobilier. « Mais la rue est en train de se trouver de vrais pôles de spécificité, des segments nouveaux : sur le commerce de bouche, sur un certain type de vêtements... Surtout, c’est une rue qui garde un chaland exceptionnel. » Une force qui repose sur la belle largeur des trottoirs, une circulation des véhicules a double-sens, des places de stationnement sur toute la longueur de la rue, la présence de deux stations de métro et d’une locomotive : le marché de Wazemmes... « Le renouveau de la rue est un fait, avance Emmanuel Chambat. Depuis un an ou deux, on sent une volonté assez forte d’implantation. » Et ces dents creuses, alors, parfois anciennes et parfois volumineuses (on pense notamment à l’ancien Bazar de Wazemmes) ?
« Il y a pas mal de projets d’installation en cours, notamment d’enseignes nationales. Mais les choses prennent aujourd’hui plus de temps qu’avant. » Des devantures fermées, des rideaux baissés... Cet environnement n’a pas rebuté Xavier Damie, fondateur de Wash & Co, situé entre la rue Solférino et la rue Henri-Kolb : « Soit vous voyez le verre à moitié vide, soit vous le voyez à moitié plein, avec les opportunités à saisir, les négociations possibles. » Lui s’est rangé dans la seconde catégorie.
Julien Guyot, gérant de Pet Food
« J’avais ouvert depuis quelques semaines quand un mec a poussé la porte du magasin », se souvient, sourire en coin, Julien Guyot, derrière le comptoir de Pet Food, spécialiste de la vente de produits pour chiens, chats, rongeurs et bientôt poissons. Le bonhomme s’est avancé vers lui, « encore mal démaquillé de la veille », semble-t-il. « En fait, il était venu essayer des colliers pour chiens, mais pour lui ! » Il a même fallu dénicher un miroir dans la réserve. Pour l’anecdote, le client n’a finalement pas trouvé son bonheur...
Claire Vignier, responsable de Mexicali et présidente de l’union des commerçants de la rue Gambetta
Ce jour-là, Claire Vignier n’est pas dans son assiette. Alors, elle décide de fermer boutique, durant quelques heures et s’absente. Exceptionnellement, la porte n’est pas bien verrouillée et un client entre, en son absence, pour acheter deux sarouels. Lorsque la présidente de l’union des commerçants de la rue Gambetta revient, elle découvre un petit papier plié en deux à côté de sa caisse. Il y est écrit : « Bonjour, j’ai pris deux sarouels à 19 €. » L’auteur du billet y a glissé 38 € en espèces. « Ça n’arrive que dans les villages de 50 habitants, ça... J’ai gardé le mot. Je le regarde, quand je désespère du genre humain. »
Source : http://m.lavoixdunord.fr/region/lille-le-retour-des-beaux-jours-pour-les-commerces-rue-ia19b57399n2902581
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