Le 18/01/2018
Primark et Uniqlo y ont installé leur premier magasin de la région, la lingerie Love Stories l'a choisi avant Paris tandis qu'Aesop et Tammy & Benjamin y ont signé leur première adresse en province… Lille et ses 230 000 habitants attirent de nombreuses marques et enseignes internationales.
Pourtant, le centre-ville de la capitale des Hauts-de-France a souffert ces dernières années de fermetures au sein de son artère principale, la rue de Béthune. Les Galeries Lafayette qui occupaient un espace de 25 000 mètres carrés ont baissé le rideau en 2015, suivies peu de temps après de Benetton et Desigual qui ont eux aussi choisi de quitter l'avenue la plus marchande de la ville.
Aujourd'hui la métropole souhaite impulser une nouvelle dynamique grâce aux multiples projets commerciaux prévus pour les prochains mois et au soutien de la mairie. La CCI Grand Lille se transforme pour accueillir des commerces au rez-de-chaussée, Damart a investi la rue Faidherbe avec un flagship, et, au sud de la ville, Lillenium a enfin posé la première pierre de son futur centre commercial de plus de 56 000 mètres carrés. Sans oublier l'un des plus attendus : le 31 rue de Béthune.
La foncière Redevco s'est ainsi emparée de l'ancien local des Galeries Lafayette pour en faire un espace hybride, dont la première livraison est prévue à l'automne 2019. Thierry Cahierre, président de Redevco, rencontré lors de la présentation du projet du futur 31 rue de Béthune, est conscient des enjeux de l'emplacement : 'c'est un défi évidemment mais nous sommes partis des forces et faiblesses du lieu pour que le 31 redevienne le moteur de la rue commerciale'. Finalement, la foncière a opté pour une opération mixte, abritant des bureaux, un hôtel et une surface commerciale réduite à 10 000 mètres carrés, contre 25 000 à l'origine.
Une première pour la rue de Béthune qui semble ravir l'union des commerçants du centre-ville GAEL. 'C'est une très bonne chose. Je trouve que ce mélange est très positif pour la rue, après avoir connu un trou béant, juge son président Patrick Bonnaud. Le projet va profiter à la rue mais aussi à tout le centre-ville piétonnier'. Même si aucun nom d'enseigne n'a pour le moment été donné. Mais Thierry Cahierre sait ce qu'il veut : 'Lille est une ville très lisible en matière de commerce. Les Lillois vont dans le Vieux-Lille pour leurs achats de luxe et haut de gamme et se rendent rue de Béthune pour trouver des enseignes plus mass-market. Nous allons donc suivre ce schéma avec des enseignes dynamiques qui souhaitent implanter de nouveaux concepts ou d'autres présentes en périphérie qui souhaitent aujourd'hui revenir en centre-ville, mais pas uniquement du textile', précise-t-il.
Le président de GAEL concède : 'le 31 sera un vrai pôle d'attraction s'il ne présente pas que des marques de prêt-à-porter. A Lille, nous sommes largement fournis en textile, amener une offre d'habitat et de décoration serait plus intelligent et productif'. D'ailleurs, l'enseigne néerlandaise d'objets pour la maison Hema vient d'inaugurer une boutique un peu plus haut sur l'artère. Et quelques mois plus tôt, Maisons du Monde avait ouvert un magasin de 800 mètres carrés dans une autre rue du centre, la rue Faidherbe, qui poursuit sa mue.
Depuis trois ans, la rue Faidherbe tente de s'imposer dans le maillage commercial lillois : il relie la gare Lille-Flandres (110 000 passagers par jour) et le centre commercial Euralille à l'hyper-centre (Bourse et Vieux-Lille). Cette large artère d'architecture haussmannienne 'a été commerçante mais était simplement devenue un axe de gens pressés, et non un lieu de shopping', décrit Franck Hanoh, adjoint au maire de Lille, délégué au commerce.
Depuis l'arrivée du géant Apple en 2014, de Maisons du Monde puis d'un flagship Un Jour Ailleurs, c'est l'entreprise nordiste Damart qui a choisi la rue Faidherbe pour y ouvrir en novembre 2017 un concept-store nouvelle génération de 455 mètres carrés, à la place d'un ancien magasin Tati. 'Cette rue en plein renouveau va pour moi devenir la plus belle de Lille, estime Christine Pageot, directrice générale de la marque au Thermolactyl. Nous avons choisi cette rue car elle abrite de grands emplacements et correspond à notre positionnement, ni mass-market, ni haut de gamme'. La municipalité s'est aussi impliquée dans la renaissance de la rue en engageant des travaux, incluant un élargissement des trottoirs.
La ville s'investit aussi pour ne pas voir fléchir le dynamisme économique du cœur de ville, dont certains acteurs constatent un ralentissement de la consommation. Afin de soutenir le commerce local, tous secteurs confondus, en ciblant surtout les indépendants, la mairie a donné le coup d'envoi en juin 2017 de son plan baptisé 'Up Commerce !', en partenariat avec trois organisations professionnelles (Union des métiers et des industries de l'hôtellerie, le Groupement des acteurs économiques de Lille-centre et la Fédération lilloise du commerce, de l'artisanat et des services). Objectif : maintenir un faible taux de vacance, qui oscille entre 5 et 7 %, un chiffre bien en deçà de la moyenne des centres-villes français établie à 9,5 % en 2015.
Selon la municipalité, le commerce du centre-ville résiste plutôt bien à Lille par rapport à d'autres agglomérations de l'Hexagone 'qui ont fait le choix d'une ville musée, avec des quartiers piétons sans habitant, a relevé la maire Martine Aubry lors de la présentation de ce projet. C'est dur en revanche pour d'autres commerces du centre et des quartiers, notamment l'habillement et l‘ameublement'. Elle se prononce en faveur d'une loi qui permettrait d'encadrer les baux commerciaux : 'leur inflation, la concurrence des grandes surfaces et l'explosion du commerce sur internet n'épargnent pas Lille', alerte-t-elle.
L'une des premières mesures concrètes d'Up Commerce ! est de construire une marketplace commune aux commerçants de la métropole. Surnommée 'l'Amazon lillois' par Yann Orpin, président de la CCI Grand Lille, elle sera lancée à l'été 2018. Une approche territoriale du e-commerce, afin d'épauler les acteurs locaux qui n'ont pas la puissance et la logistique des grandes chaînes ou des pure-players.
Les indépendants et petits créateurs peuvent éprouver des difficultés, mais certains s'en sortent en se regroupant physiquement. Cinq labels lillois (La Pantoufle à Pépère, Maison Thuret, EdieGrim, Pochette Square et Gentlemen's Factory) se sont ainsi fédérés en coopérative pour ouvrir en novembre dernier une boutique dans le Vieux-Lille, rue du Cirque : un concept-store mode et déco baptisé La Supérette.
Comme une introduction à ce quartier historique et ses boutiques haut de gamme, la Chambre de commerce et d'industrie de Lille Métropole installée depuis 1966 dans le palais de la Bourse, beau bâtiment au style néo-flamand datant de 1920, a décidé de s'ouvrir au public avec l'installation de boutiques au rez-de-chaussée et d'un espace de coworking. Pour Arnaud Doublecourt, directeur commercial chez 3x3, agence spécialisée en immobilier commercial en charge de l'espace : 'l'idée est de faire de la CCI la continuité du parcours client en créant une boucle avec les rues avoisinantes pour relier l'hypercentre au Vieux-Lille'. La griffe belge premium Bellerose a été la première à y ouvrir ses portes, bientôt suivie par Zara Home. Deux cellules doivent encore trouver preneur.
L'hypercentre lillois se réorganise donc et, à quelques stations de métro, le centre commercial Lillenium sort enfin de terre au sud de la ville. Près de dix ans après la naissance du projet, le promoteur régional Vicity a posé ce 13 décembre la première pierre de ce nouvel ensemble commercial de plus de 56 000 mètres carrés de surface de vente et de loisirs, dont 105 boutiques (H&M, Leclerc, Camaïeu...) prévues pour la fin d'année 2019.
Une offre qui s'ajoute au centre commercial historique de la ville, Euralille, situé lui dans le centre lillois, entre les deux gares. Inauguré en 1994 par Unibail-Rodamco, cet ensemble commercial de 120 boutiques a été rénové en 2015. Un renouveau aussi en termes d'offre puisque Primark et Uniqlo l'ont choisi pour installer leur première boutique de la région. 'Nous sommes sur deux quartiers différents donc sur des zones de chalandise distinctes, je ne pense pas que Lillenium fera concurrence à Euralille et inversement', estime Yann Orpin, le président de la CCI Grand Lille.
Ces multiples projets menés de front vont redessiner les équilibres, au niveau du centre-ville comme des centres commerciaux. Leur succès dépendra néanmoins de la commercialisation de leurs espaces, encore inachevée pour certains. L'enjeu sera l'attractivité des enseignes et marques choisies pour créer une offre supplémentaire et susciter l'intérêt des Lillois.
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